Origines et histoire du festival de Bayreuth

 

Un théâtre créé pour les opéras


d’un seul compositeur

 

Dans un théâtre sans fioritures inutiles et bénéficiant d’une acoustique qui permet à la musique de se déployer comme dans aucun autre auditorium au monde, les œuvres de Richard Wagner retentissent comme autant de célébrations.

 

Depuis 1876, année de la création de « l’Anneau du Nibelung », des admirateurs, des connaisseurs, des curieux et même des sceptiques gravissent la « colline verte » chaque été (sauf en temps de guerre … ou de pandémie !) pour retrouver l’héritage de Richard Wagner, loin des grandes métropoles culturelles.

 

La salle est dégagée de toute ornementation pompeuse, de chaque fauteuil la scène est entièrement visible, l’orchestre est enfoui dans sa fosse couverte (même le chef d’orchestre est invisible de la salle qui est plongée dans une obscurité totale), tout est fait pour que le spectateur puisse se concentrer sur ce qui se passe sur le plateau et baigne dans un environnement sonore où voix et orchestre s’équilibrent miraculeusement. Dans ces conditions, personne ne s’étonnera que les quelque 50’000 places mises en vente chaque année soient achetées et que les listes d’attente s’allongent !

 

Richard Wagner : révolutionnaire, utopiste – à Bayreuth, son héritage reste vivant !

    

Festspielhaus salle                  

Les origines


La petite ville de Bayreuth, au fin fond de la Bavière, n’était pas le premier choix de Richard Wagner quant il décrivait en 1850 sa conception d’un théâtre : « [ …] je voudrais faire édifier d’après mes plans, sur une belle prairie, à proximité de la ville, sans rien utiliser que des poutres et des planches, un théâtre de genre très primitif, dont l’équipement se limiterait aux décors et aux dispositifs techniques nécessaires à la représentation de mon Siegfried […] » (lettre de Wagner à Theodor Uhlig). Ses pensées se tournaient vers Zurich ou Weimar ou même Brunnen, en Suisse, au cœur du pays de Guillaume Tell et au milieu du Lac des Quatre-Cantons jusqu’à ce qu’un orage d’une rare violence lui fasse abandonner cette idée !

 

Et l’on sait que Richard Wagner ne fut jamais dans la perspective de réaliser son rêve jusqu’à ce que Louis II, roi de Bavière,  n’intervienne dans sa vie. Tout naturellement, ce fut alors à Munich que le compositeur envisagea d’implanter son théâtre, mais le projet pharaonique de l’architecte Gottfried Semper ne se maria pas avec le souci des Munichois d’enrayer les folles dépenses de leur roi. Wagner fut contraint de quitter la capitale bavaroise et de Genève, le 20 février 1866, il écrit à Hans von Bülow : « Je voudrais que le roi me donnât un pavillon du château de Bayreuth comme lieu de repos  ̶ Nuremberg à proximité, tout autour de moi l’Allemagne » !

 

 Festspielhaus

 

Bayreuth ! Le 26 juillet 1835, Wagner avait traversé la ville et l’avait trouvée charmante. Il faut croire que ce charme est resté gravé dans sa mémoire puisqu’il fait allusion à ce lieu dans la lettre qui vient d’être citée et que le 5 mars 1870, alors qu’il est installé à Tribschen avec Cosima et leurs enfants, la petite ville est à nouveau évoquée au gré d’une conversation. Et Cosima note dans son Journal : « Comme nous parlons de la représentation de ces œuvres [Ndlr : « Die Meistersinger von Nürnberg » et « Tristan und Isolde »], je dis à R, qu’il devrait regarder dans une encyclopédie à l’article Bayreuth ; R. avait désigné cet endroit comme celui qu’il voulait élire ; nous trouvons à notre grande joie mention parmi les différents bâtiments d’un vieil et bel opéra ». Une année passe et l’idée de choisir Bayreuth comme capitale wagnérienne fait son chemin. Richard et Cosima s’y rendent le 17 avril 1871 et déchantent quand ils visitent ce bijou d’architecture baroque qu’est le Théâtre des Margraves : bien trop petit pour accueillir la Tétralogie encore en gestation. Mais une décision s’impose : la ville, par son caractère et sa situation géographique, est le lieu que Richard Wagner recherche. Le 12 mai 1871, Wagner publie une brochure annonçant officiellement que le Festival scénique « l’Anneau du Nibelung » sera créé à Bayreuth pendant un mois d’été de l’année 1873 : Richard n’a pas encore achevé la composition de l’œuvre et l’emplacement de l’édification du théâtre n’est pas encore décidé !

 

Richard Wagner prend alors d’assaut les Autorités et obtient en décembre 1871 qu’elles mettent à sa disposition un terrain au nord de l’agglomération, sur une colline appelée Bürgerreuth. Un architecte est désigné, Otto Brückwald, et un banquier convoqué, Friedrich Feustel. De l’argent, il en faut, en effet, car même si Wagner envisage d’abord de construire un bâtiment provisoire et de rétribuer les artistes non par un salaire, mais par une simple indemnité (« Un chanteur ou une cantatrice qui vient à moi pour de l’argent ne vaut rien », lettre à Friedrich Feustel du 12 avril 1872), le coût prévisible de l’opération est conséquent, pour ne pas dire gigantesque !

 Festspielhaus extérieur

Dès avril 1871, Richard Wagner lance une souscription. C’est un échec comme toutes les démarches tentées auprès des théâtres allemands, librairies, institutions musicales, etc. Mais cela n’empêche nullement Wagner de poser la première pierre de son Festspielhaus le 22 mai 1872, jour de son 59ème anniversaire, en grande pompe (discours, fanfares, banquet, 9ème symphonie de Ludwig van Beethoven donnée au Théâtre des Margraves) et sous une pluie battante ! Finalement, c’est le mécénat privé qui sauve l’entreprise, mais non sans peine : malgré les dons de sultans, altesses et autres khédives, la largesse de Hans von Bülow (bien que Richard lui ait soufflé sa femme !), les contributions des Sociétés Wagner (dont Richard soutient les efforts en acceptant de diriger maints concerts), à l’automne 1873, il faut se rendre à l’évidence : le projet est proche de la ruine et les entreprises menacent d’abandonner le chantier ! Le sauveur, c’est Louis II de Bavière qui obtient d’abord de son administration qu’un prêt remboursable soit octroyé (février 1874), puis, par une somme prélevée dans ses propres ressources, qui permet à Richard de construire la Villa Wahnfried ! Le 21 novembre 1874, Wagner achève la partition de « Die Götterdämmerung », alors que Josef Hoffmann, les frères Max et Gotthold Brückner et Carl Emil Doepler s’affairent déjà à créer les décors et les costumes et que le compositeur parcourt l’Allemagne pour recruter ses cantatrices et ses chanteurs. Bien sûr, l’été 1873 pour l’ouverture du premier Festival de Bayreuth est oublié depuis longtemps et c’est l’été 1876 qui est fixé.

 

Un an avant, les premières répétitions ont lieu parmi les échafaudages, les praticables et les pots de peinture : le 24 juillet 1875, les premières notes chantées se font entendre (les Filles du Rhin) et le 2 août, enfin l’acoustique peut être vraiment testée avec la première répétition de l’orchestre (115 musiciens) enfoui dans la fosse, « l’abîme mystique ». Hans Richter dirige. Le résultat est excellent et Wagner jubile, mais il n’est pas au bout de ses peines : pendant les mois qui suivent, il doit poursuivre inlassablement sa recherche de fonds, surveiller l’impression de ses partitions (l’intégralité de la Tétralogie ne sortira de presse que le 9 mai 1876) et les derniers travaux. Mai 1876, c’est alors que commencent les semaines de folie : les difficultés techniques sont innombrables, les exigences, voire les caprices des interprètes s’accumulent, les costumes doivent tous être retouchés, les décors sont imparfaits, même le dragon arrive en morceaux dont l’un, le cou, ne sera jamais retrouvé (on dit qu’il a été expédié à Beyrouth au lieu de Bayreuth !). Même la diplomatie s’en mêle, car Louis II refuse de croiser l’empereur Guillaume Ier : le roi de Bavière assistera aux répétitions générales et quittera Bayreuth avant la Première.

 

Enfin, le dimanche 13 août 1876, c’est l’inauguration officielle avec « Das Rheingold » et devant une impressionnante accumulation de célébrités politiques, aristocratiques, musicales et artistiques. Comme de juste, thuriféraires et détracteurs se déchirent et Richard Wagner acquiert une renommée mondiale. Lui-même cependant estime que la plupart de ses interprètes se sont montrés insuffisants et que la réalisation scénique n’a pas correspondu à ses exigences. Et le déficit est abyssal ! Finalement, seul le Festspielhaus, le théâtre et son acoustique trouvent grâce à ses yeux … et à ses oreilles. Et c’est bien ce qui en fait un lieu unique au monde !

 

 

Pour en savoir plus (en allemand) : https://www.bayreuther-festspiele.de/festspiele/historie/

 

 

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