~ Interview de G. Schürch Le Temps

Concert des 40 ans du cercle donné à la Cathédrale Saint-Pierre le dimanche 29 octobre 2017

 

Interview de Georges Schürch par la journaliste du journal Le Temps Sylvie Bonier 26 octobre 2017 

 

Découverte wagnérienne à Genève en cadeau d’anniversaire

Pour les quarante ans du Cercle romand Richard Wagner, Georges Schürch a programmé un concert exceptionnel à la cathédrale, avec deux œuvres à découvrir à Genève, dont une de Wagner

Georges Schürch a souhaité fêter dans l’originalité les quarante ans du Cercle romand Richard Wagner, qu’il dirige depuis 2001. — © David Wagnieres
 
 

Georges Schürch ne manque pas d’idées. Ni de talent pour les défendre. L’ancien directeur de l’enseignement secondaire, venu de la psychologie et passé par la clarinette, est bien connu à Genève. Après plus de quatre décennies d’une belle carrière dans le domaine pédagogique, il occupa encore diverses fonctions au sein des fondations de l’OSR ou de l’OCG notamment. Aujourd’hui, il préside celle du Théâtre de Carouge. Et le conférencier classique reste très apprécié, animateur aussi cultivé que pince-sans-rire.

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Le président du Cercle romand Richard Wagner est devenu incontournable dans l’univers des passionnés du compositeur allemand. Le festival genevois qu’il avait créé pour le bicentenaire de Wagner en 2013, en compagnie de Jean-Marie Blanchard, reste d’ailleurs gravé dans les mémoires. Ainsi que le grand Congrès des cercles internationaux, qui a réuni à Genève en 2008 pas moins de 800 membres venus du monde entier.

Revoilà aujourd’hui Georges Schürch sur le devant de la scène. Pourquoi donc? Cette fois, il s’agit pour lui de fêter les quarante ans du cercle qu’il préside depuis 2001, à la suite de Charlotte Nierlé. Membre fondatrice à qui l’événement est dédié, l’ancienne présidente est en effet partie rejoindre le Grand Richard en 2016.

Une belle aventure s’annonce donc sous les voûtes de la cathédrale Saint-Pierre, puisque le concert réunira pas moins d’une centaine de choristes masculins avec un orchestre de 80 musiciens. Au programme: deux œuvres jamais jouées à Genève dont une est signée, évidemment, de Richard Wagner.

Le Temps: Donner à découvrir une œuvre wagnérienne n’est pas rien. Pourquoi et comment avez-vous choisi la scène biblique «Das Liebesmahl der Apostel»?

 

Georges Schürch: Je voulais bien sûr marquer les esprits, puisque la mission du cercle est de proposer des œuvres originales et de les faire connaître. Le Grand Théâtre a souvent l’occasion de proposer les opéras réputés. Nous nous situons sur un autre terrain. J’ai pensé à cette partition difficile à programmer à cause de son énorme chœur d’hommes. A la création du 6 juillet 1843, Wagner avait sollicité 1200 chanteurs, avec un orchestre de 100 musiciens! Plus de trente ans plus tard, il décrira cette fresque chorale comme une sorte de «Jeu de la Passion folklorique».

Quand avez-vous découvert l’«Apostel»?

Je l’avais entendu en 1990 à Lausanne sous la direction d’André Charlet, chef de plusieurs chœurs, qui avait réussi à réunir plus d’une centaine de choristes. Je me suis alors dit qu’il faudrait le faire à Genève aussi. Mais des projets ont échoué à plusieurs reprises à cause de la difficulté de trouver des chœurs masculins libres, ensemble, au bon moment. Puis en 2013, à Fribourg-en-Brisgau, le centenaire a été fêté avec cette pièce chorale grâce à l’effectif important de voix d’hommes que compte la ville. J’ai proposé de reprendre les mêmes, avec leur chef, puisqu’ils connaissent parfaitement les particularités de l’Apostel.

Quelles sont-elles?

Sur trente minutes de musique, par exemple, les vingt premières sont consacrées au chœur à voix multiples, seul, a cappella. L’orchestre entre en jeu sur les dix dernières minutes seulement. Cela nécessite une grande maîtrise de la justesse pour un raccord parfait. Et il est très difficile de trouver 12 solistes masculins de grande qualité pour interpréter les apôtres.

Comment avez-vous lié la gerbe orchestrale?

Avec l’Orchestre de chambre de Genève (OCG) et celui de la HEM de Genève-Neuchâtel, rassemblés pour obtenir les 80 musiciens requis. Ils travaillent de façon très professionnelle main dans la main.

Pourquoi avoir placé en regard la «3e Symphonie» de Hans Rott, pratiquement inconnue?

Parce qu’elle est très belle et se situe dans une esthétique à la croisée de Bruckner, Mahler et Wagner. Elle est confiée à Arie van Beek, le chef de l’OCG, qui rend bien l’aspect surprenant de la partition.

C’est-à-dire?

Le traitement mélodique est très rebondissant, voire imprévisible, avec des emprunts assumés aux compositeurs que Hans Rott aime, des citations ou des climats très expressifs. Sur les cinquante minutes de la symphonie, le dernier mouvement occupe en outre la moitié de l’ouvrage. C’est une des rares partitions qui restent du compositeur, mort en asile psychiatrique à 26 ans seulement, et qui avait brûlé l’essentiel de ses compositions.

Comment définiriez-vous le langage de Hans Rott?

Les musicologues parlent de lui comme du «chaînon manquant entre Bruckner et Mahler». Et les mahlériens estiment qu’il a plagié leur compositeur favori. Il y a eu une polémique dans les années 80 lors de la redécouverte du manuscrit, qui montrait une parenté trop appuyée avec certaines œuvres comme Das Klagende Lied, antérieur à la 3e Symphonie. Mais il ne faut pas oublier que Mahler et Rott partageaient la même chambre lors de leurs études et que les deux amis se vouaient une grande admiration réciproque.


 

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